On a vu : "Rebel Rebel"

Jusqu'au 22 janvier 2017 - MAC'S
A voir absolument
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Le titre de l’exposition rend hommage au tube de David Bowie car c’est bien de rock dont on parle ici ! Mais au-delà de ses retombées sur l’industrie musicale et la culture populaire, ce sont surtout ses liens avec l’art contemporain qui sont mis en exergue dans le cadre de cet évènement effervescent. Depuis les années 1960, le rock et ses codes font partie des nouvelles sources d’inspiration et de réflexions que détournent les artistes plasticiens. Des points de vue esthétique, culturel et critique, le rock a inspiré, transcendé ou suscité les commentaires les plus virulents et c’est ce que l’on nous propose d’observer à travers les œuvres (vidéos, photos, installations, dessins, peintures) d’une trentaine d’artistes belges et internationaux tels qu’Alan Vega, Jean-Michel Alberola, Dennis Oppenheim ou Catherine Sullivan.

 

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L'exposition démarre sur 3 dates clés pour le rock, représentées magnifiquement par Alberola. La première toile représente la fusion entre Hendrix, un monument du rock, et Robert Johnson, un artiste blues qui a fortement inspiré ce courant. Hendrix est clairement représenté avec le carrefour au centre de l'oeuvre qui fait allusion à la chanson crossroad blues qui évoquait la crainte des afro-américains de sortir la nuit, de peur d'être victimes de représailles. On passe ensuite à 1954, lorsque Elvis Presley réinterprète un titre blues en l'accélérant et donne naissance au rock, puis à 1966, lorsque Bob Dylan utilise une guitare électrique pour bouleverser les traditions et choque de nombreux fans qui aimaient son côté folk. Pénétrez ensuite la petite salle sur la droite dans laquelle est projetée la vidéo d'une performance passée qui visait à réveiller les fantômes de deux artistes. Accompagné de sa thérémine, un instrument très énigmatique, il tente de faire revenir Williams et Snow, un joueur de blues alcoholic et l'autre plus conservateur, il fait couler de la bière et de l'eau sur un bloc de glace. Avant de pénétrer dans le cœur de l'exposition, arrêtez-vous quelques instants devant une photo prise le lendemain de la mort de David Bowie, lorsque l'événement faisait la une des journaux.

 

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L'une des salles les plus énigmatiques de l'exposition vous attend. Une scène qui semble abandonnée, des instruments et néons comme planqués sous cette estrade et un son très brut pour accompagner le tout... Et oui il s'agit de l'oeuvre de Joris Van de Moortel. Lors du vernissage, il a réalisé une performance musicale accompagné de ses musiciens qu'il fait jouer sous la scène dont vous pouvez entendre les extraits. En vous promenant dans cette salle vous découvrirez également l'illustration des 10 commandements du guitariste, tels que "ta guitare n'est pas vraiment une guitare", "écoute les oiseaux", "va avec le diable", ou encore "exerce-toi devant un buisson". C'est une bonne introduction pour la suite qui se consacre davantage aux années 80 et l'avènement de la musique punk. Le plasticien Vega travaille une esthétique "no future" en réalisant 3 croix faites d'accumulation de déchets, c'est la naissance du junk art. Cet artiste juif américain très angoissé, réalise également quelques dessins sur la Shoah, représentant la peur de la mort. Ne manquez pas l'oeuvre de Guns présente dans cette salle dont le sens n'est pas forcément explicite. Il s'agit d'une collection de pochettes originales de l'album Killing an Arab du groupe The Cure. A l'époque, le titre avait fait scandale en étant mal interprété et très largement détourné (régulièrement écouté par les troupes américaines déployées en Irak, et souvent utilisé par des groupes extrémistes en France). Il s'agissait en réalité d'un hommage à L'Etranger de Camus dans lequel "l'étranger" est finalement l'assassin français. Lors de la déclaration de la guerre avec la Syrie, Guns décide de commencer à collecter les 15000 pochettes originales pour représenter les victimes. A l'époque il s'imagine que la guerre ne durera pas et qu'il ne pourra y avoir plus de 15000 morts, malheureusement il se trompait et stoppera sa collecte en cours de route en nous laissant tout de même ce cimetière de l'absurde, très fort de signification.

 

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Remontez les escaliers et découvrez une atmosphère plus angoissante. En hommage à John Cage, Tony Oursler utilise le principe de composition au hasard en demandant à différents musiciens de jouer séparément et recompose le son et l'image à partir de ces différentes parties pour créer un morceau unique en son genre. Jacques André, quant à lui, est le maître de l'accumulation. Déclarant ne rien savoir faire excepté consommer, sa critique participative de la société est représentée par un mur entier d'albums de musique habilement sélectionnés et placés pour former un ciel étoilé et une ligne d'horizon. Assumant pleinement son statut de chômeur, l'artiste se rémunère en demandant aux institutions exposant son oeuvre de financer l'achat d'une nouvelle ligne, ici ce sont les albums bleus comme les cartes de pointage de l'ONEM (l'équivalent de de Pôle Emploi en Belgique) qui ont été ajoutés.
La salle dédiée à la projection des photos Gilles Elie Cohen mérite d'y rester quelques instants. Cette artiste adorait explorer des lieux en marges de la société comme les banlieues parisiennes, les asiles ou le quartier de Pigalle. En banlieue il rencontre les gangs des Vikings et des Panthers, fans de l'esthétique rockabilly et décide de suivre ces deux clans, les premiers à être aussi cosmopolites à l'époque. Découvrez ces clichés d'hommes portant la banane, traînant dans les rues et parfois en pleine bagarre et plongez dans cet univers comme le faisait l'artiste.

 

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Viennent ensuite des artistes plus provoquant comme Lamelas qui propose une série de photos très théâtrales. Vous avez l'impression d'assister à un concert des plus animés alors que l'artiste s'est mis en scène dans sa cuisine en s'inventant un personnage. L'artiste Tyfus adopte cette même idée en se mettant en scène dans une vidéo comme un DJ commercial qui anime la foule de façon très caricaturale, alors qu'il s'agit d'un DJ plutôt "noise", habitué aux petites salles. Au milieu de la salle trône une Harley Davidson customisée par l'artiste Muyle qui se joue des symboles de la pop. Son oeuvre totalement ironique reprend des slogans punk rock en y ajoutant des références aux Amérindiens comme "Sioux in paradise" sur le casque ou "Now Future" sur le flan. Dans une petite salle à l'écart, les racines des amérindiens sont également mises en avant avec une oeuvre de Land Art intitulée Back to the moutain où l'on voit un mannequin entourés et presque recouvert de peaux blanches et de peaux rouges. Dans l'avant-dernière salle, c'est la question de l'art par la destruction qui est soulevée par Parrino. Dans une attitude plus agressive, il révèle son côté punk en déchirant des toiles. Son credo : après Malevitch il n'y a plus rien à faire de classique en peinture, il cherche donc à la réinventé en détruisant son support. Arrêtez-vous également devant les œuvres provocantes de Leroy qui amène une touche pop rock à l'exposition avec ses céramiques de cigarettes, symbole ultime du 20ème siècle.

On termine sur une touche de douceur en opposition à la première salle et la performance noisy de De Moortel. Trois vidéos sont projetées au ralenti sur des écrans géants pour une approche plus contemplative du rapport entre le rock et l'art. La première vous présente un public jeune en extase lors d'un concert. La façon de filmer, en close-up donne un aspect très spirituel à ces jeunes qui semblent idôlatrer l'artiste sur scène. La seconde sur la gauche vous montre un autre aspect avec une vidéo amateur d'un musicien sur scène qui semble totalement possédé par la musique et qui pourrait être le gourou du public de la première vidéo. Enfin pour la troisième, vous découvrez le corps d'un homme en maillot de bain avec un travelling ascendant très lent. Il s'agit en fait du corps d'Elvis Presley qui avait accepté d'être pris en photo en 53 avant de devenir célèbre. L'artiste a reconstitué le corps en 3D en utilisant également d'autres photos pour reconstituer son grain de peau à partir de nombreux échantillons. Un travail titanesque qui nous permet de découvrir ce monument du rock comme si l'on était une petite mouche tournant autour de lui. Un dernier arrêt magnifique qui permet un moment de recueillement avant de quitter cette magnifique ancienne usine.

5 bonnes raisons d'aller voir cette expo :
-Le lieu est magnifique, une ancienne usine de charbon classée au Patrimoine Mondial de l'humanité
-Quelle que soit votre connaissance de la musique rock, l'exposition vous plonge totalement dans cet univers pour vous faire (re)vivre les moments marquants de ce courant
-Découvrir des artistes de tous horizons qui ont tous un lien particulier avec le rock
-Admirer des œuvres d'art improbables faites de cigarettes, de moto et de pochettes d'album
-Vous prendre au jeu dans une séance d'exorcisme de rockeurs des plus folles

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MAC’S – BELGIQUE
Jusqu’au 22 janvier 2017
Rue Sainte-Louise 82, 7301 Boussu, Belgique
Tarif : 8€ - Tarif réduit : 5€

 


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