On A Vu : "Ludwig Van"

Jusqu'au 29 janvier 2017 - Philharmonie //
Très Réussi

Qu’ont en commun un portrait pop d’Andy Warhol, la bande-son d’Orange mécanique de Stanley Kubrick et l’hymne européen ? Beethoven. De son vivant, le musicien a fasciné les princes en révolutionnant le monde de la musique, sa disparition a fait de lui un immortel. Plus qu’une exposition, la Philharmonie de Paris nous propose de découvrir la fabrique d’un génie à l’épopée grandiose. De Gustav Klimt aux Beatles, de Dali à Godard, plus de 250 œuvres visuelles et sonores témoignent de l’influence considérable que Beethoven a pu avoir, au fil des siècles, sur les générations qui lui ont succédé.

 

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Mais comment est née une telle idée ? Il y a trois ans, Marie-Pauline Martin et Colin Lemoine, les deux commissaires de l'exposition partent d'un constat très simple : l'omniprésence de l'artiste. "On a tous quelque chose de Beethoven en nous", nous déclare Colin Lemoine, et dès la première salle c'est cette réalité qui est mise en avant avec des vidéos d'orchestres du monde entier reprenant les symphonies de l'artiste, de sketchs ou de dessins-animés montrant la présence et les répercutions de Beethoven dans l'imaginaire collectif. On enchaîne évidemment avec une salle dédiée à la mort de l'artiste, probablement l'apothéose de la tragédie qui entoure la vie de Beethoven. Contrairement aux idées reçues, l'artiste ne meurt pas seul et abandonné, mais très entouré. On lui réserve même l'honneur de funérailles nationales auxquelles 30 000 personnes viendront assister. Le masque mortuaire trônant au centre de la pièce nous montre un visage malade, très répandu et repris par de nombreux artistes, ce qui lui donne une dimension immortelle, voire céleste. Dans la salle suivante, un second masque vous paraîtra peut-être plus familier.  Souvent confondu avec le masque mortuaire, il s'agit d'un moulage pris par Franz Klein en 1812 sur Beethoven de son vivant. Véritable icône, ce masque était très présent dans tous les ateliers d'artistes, comme on le voit d'ailleurs sur certaines toiles exposées. Arrêtez-vous quelques instants dans l'alcôve prévue à cet effet pour écouter la 7ème symphonie. Après avoir fait de Beethoven une référence de son vivant, les artistes le comparent facilement à un Saint. Contrairement à Mozart, Beethoven était un génie libre, un musicien prophète presque canonisé, que l'on retrouve ici représenté à la naissance comme pourrait l'être Jésus ou affrontant une tempête divine.

 

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Dans une petite salle à gauche, un module explicatif représente l'une des oeuvre de Beethoven visuellement en recréant un orage lumineux dont les variations suivent l'intensité de la musique. Mais l'une des installations majeures de l'exposition en termes d'écoute originale est probablement le mur d'écoute solidienne. On vous demande de vous boucher les oreilles pour mieux entendre la musique car en mettant les os de votre visage en contact avec les espaces prévus à cet effet vous pourrez profiter de cette magnifique mélodie d'une façon inédite. On dit souvent que Beethoven écoutait sa musique en mettant un bâton entre son menton et son clavier, mythe ou réalité, difficile à dire mais cette installation vous permet de vous mettre dans la peau de l'artiste quelques instants. Les deux immenses toiles qui suivent représentent l'effet que produit la musique de Beethoven, tantôt dans une prostration mélancolique, accablé par la tragédie de cet air, tantôt dans une forme de sidération mystique face au sublime de sa musique. Contrairement Mozart qui amène de la joyeuseté à sa musique, Beethoven vous invite à vous plonger en vous-même. La salle dédiée aux reliques de l'artiste est l'une des plus insolites, vous y trouverez des mèches de cheveux, son violon, une cuillère ou encore un morceau de son parquet. Il faut savoir que le corps de Beethoven a été déterré en 1863 pour vérification et analyse de son crâne, on trouve donc la clé de son sarcophage et une photo de son crâne parmi les souvenirs du musicien compositeur.

 

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La suite de l'exposition se consacre davantage à l'influence de  Beethoven. On commence avec le cinéma, éminemment impacté par sa musique qui fait partie intégrante de la narration de plusieurs films comme Elephant, Le Discours d'un Roi ou Orange Mécanique. Dans la salle des sculptures on retrouve son côté tragique de par la douleur marquée sur son visage de façon assumée. Bourdelle lui consacrera environ 80 sculptures, Rodin quant à lui transposera ce visage en peine sur d'autres personne comme ici Hanako qui se retrouve marquée par l'angoisse de la mort. Beethoven est en effet l'un des premiers artistes maudits à succès, il ouvrira la porte à d'autres comme Van Gogh ou Buffet, et l'exposition assume totalement la tragédie qui entoure la vie de ce génie. On retrouve notamment la copié de son testament (jamais officiellement ratifié), dans lequel il confesse sa surdité et explique qu'elle est la raison de son enfermement, ne se sentant plus capable de se mêler à la foule. La salle suivante vous permet d'ailleurs de remettre les faits historiques dans l'ordre pour retracer correctement l'histoire de l'artiste tout en ajoutant quelques anecdotes. Il y a par exemple ce pianiste japonais qui avait réussi à convaincre le monde de son génie malgré sa surdité, en composant et jouant des oeuvres dignes de Beethoven son mentor, comme sa Symphonie n°1 Hiroshima, avant d'avouer la supercherie : non seulement il n'a jamais été sourd, mais il employait un "nègre" pour composer ses oeuvres.
Dans la salle politique, vous retrouvez l'impact de l'artiste et les détournements qui ont pu être faits, que ce soit par les nazis ou au contraire les alliés, au moment de l’élection de Mitterrand, pour l'hymne européenne, à l'anniversaire d'Hitler, en hommage aux attentats de Bruxelles ou encore pour la révolution en Ukraine, les symphonies de Beethoven sont très régulièrement utilisées dans ce monde également. Pour la petite anecdote, la symphonie n°5 en chiffre romain nous donne le V de la victoire, et le célébrissime "popopopom" nous donne également un v en morse, d'où peut-être son utilisation fréquente en cas de succès politique... Ne manquez pas sur la droite le manuscrit d'une symphonie dédicacée à Bonaparte par Beethoven, qui soutenait fortement la révolution et la démocratie à l'époque, c'est l'une des pièces les plus précieuses de l'exposition. Vous pouvez voir que cette dédicace a été raturée lorsque Napoléon est devenu empereur, très contrarié par ce changement, Beethoven avait écrit à la place "A la mémoire d'un grand homme".

 

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C'est donc à ce monument de la musique et de l'histoire que les artistes de la dernière salle se sont attaqués avec Warhol qui, pour la première fois, ose réinvestir le mythe et atomiser la figure de Beethoven en le représentant comme tout autre icône de la société de consommation occidentale. Une autre oeuvre d'Erro, pleine d'ironie, nous montre Beethoven en train de se faire tatouer en bas à gauche alors que trois King Kongs sont représentés plus haut aux côtés de bien d'autres symboles du même acabit. Une vidéo très lente vous permet de découvrir un Beethoven qui devient noir peu à peu, comme pour rappeler une légende oubliée ; Beethoven avait la peau matte. En effet descendant des maures, on l'appelait "L'espagnol" pour se moquer de lui, et ayant déjà un physique ingrat avec la petite vérole, il aurait très mal vécu ces réflexions. La question du brouillage se pose pour finir avec la superposition de 32 partitions du compositeur ou un portrait presque effacé, comme pour demander : Que nous reste-t-il de Beethoven ?

5 bonnes raisons d'aller voir l'exposition :
-Pour l'expérience inédite proposée : écouter de la musique en passant par vos os plutôt que vos oreilles
-Pour toutes les anecdotes que nous révèle la Philharmonie sur sa surdité, son désamour de Bonaparte ou sa peau matte...
-Parce qu'on a tous un peu de Beethoven en nous et que cette exposition ne laissera personne indifférent
-Pour tous les morceaux que vous pourrez écouter tout au long de votre visite (prenez l'audioguide, il est gratuit !)
-Pour un petit pèlerinage du masque mortuaire à son parquet en passant par sa cuillère, Beethoven est élevé au rang de saint pour notre plus grand plaisir !

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PHILARMONIE DE PARIS
Jusqu’au 29 janvier 2017
221 avenue Jean-Jaurès, 75019 – M° Porte de Pantin (5)
Du mardi au vendredi de 12h à 18h, le week-end de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h
Fermé le lundi
Tarif : 10€ – Tarif réduit : 5€