Le modèle noir de Géricault à Matisse

Musée d'Orsay
Du 26 mars au 21 juillet 2019

C’est une première en France - et c’en est presque surprenant d’ailleurs car personne ne l’avait fait auparavant - le musée d’Orsay inaugure une exposition dédiée au modèle noir, comprenez par-là la représentation des figures noires dans les beaux-arts, sur une période de plus de 2 siècles, remontant à l’abolition de l’esclavage en France (on rappelle la date de 1794) et jusqu’à notre ère contemporaine. Alors évidemment, avec un tel sujet, on va largement dépasser la pure dimension artistique, et se pencher sur des problématiques esthétiques, politiques, sociales, raciales mais aussi sur l'imaginaire suscité par ces représentations au fil des décennies. Ici on nous parle de « modèle », donc d’un dialogue entre l’artiste qui peint, sculpte ou photographie, et son sujet qui pose pour lui. Nos artistes sont engagés aux côtés de ces figures qui posent bien souvent dans le plus grand silence, à une époque où l’on peine à leur reconnaître une identité propre. Et le musée d’Orsay a convoqué les plus grands artistes pour cette révolution muséale : Géricault, Delacroix, Carpeaux, Rousseau, Courbet, Manet, Gauguin, Cézanne, Giacometti ou Matisse. Des artistes engagés, qui par militantisme dénoncent la traite négrière et luttent, pinceaux en main, pour réhabiliter leur condition humaine. Si l’abolition de l’esclavage est déclarée en 1794, il faudra bien un demi-siècle – et même plus d’ailleurs- avant que la société n’intègre réellement cette nouvelle condition comme une réalité et nombre de tableaux témoignent ici d’une violence persistante à l’encontre des populations de couleur. Car les mentalités, on le sait, ne changent pas instantanément avec les proclamations des lois. Et cette exposition redonne à ces modèles oubliés et anonymes leur visage et surtout leur vrai rôle dans l’histoire de l’art. Ils retrouvent aussi leur identité, à commencer par leur prénom. Qui savait avant cette exposition que la célébrissime servante de l'Olympia de Manet, tableau qui fit scandale en 1865, se prénommait Laure ? Qui se souvenait que l'un des modèles préférés de Matisse, la danseuse haïtienne, se prénommait Carmen ? Qui se souvenait que le modèle de Géricault qui surplombe son légendaire tableau du "Radeau de la méduse" était noir ? Venu de l’ex-colonie de Saint-Domingue - qui deviendra Haïti - il incarne cette victorieuse figure de proue, conquérante et optimiste qui tranche avec les autres naufragés prostrés et capitulards. Son prénom, c’était Joseph, modèle qui posa aussi très certainement pour le visage du Nègre vu en buste, la tête coiffée d'un turban rouge de Delacroix (1826). On rappelle que Haïti n’est autre que la première république qui deviendra  indépendante en 1804, sous la révolte de ses esclaves. De l'esclave enchaîné au jazzman libéré, l’exposition aborde en 100 chefs-d’œuvre un sujet délicat. Une exposition qui se veut historique en questionnant 200 ans d'Histoire de l'art et d'Histoire de France et des Etats-Unis. Et justement d’ailleurs, prêtez attention à certains titres d’œuvres, rebaptisées pour l’occasion, comme cette madone nourricière peinte en 1800 par Marie-Guillemine Benoist, intitulée à l’origine Portrait d'une négresse, renommé plus tard Portrait d’une femme noire, puis aujourd'hui Portrait de Madeleine, jusqu'à redonner un prénom au modèle. On pourrait presque parler de « décolonisation » des arts. Une étape non négligeable dans la lente conquête d'une reconnaissance, des Noirs des Antilles à ceux de l'Afrique, qui nous rappelle que l’on vient de loin et que la route est encore longue contre la discrimination.

 

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Connaissez-vous la date de l’abolition de l’esclavage en France ? C’était en 1848, mais quelques années plus tôt, en 1794, il est déjà interdit dans les colonies françaises. Cette date est le point de départ de cette exposition qui s’attache à questionner la représentation des « figures noires » à travers les œuvres les plus révélatrices de Géricault, Delacroix, Manet ou Matisse et des photographies de Nadar ou de Carjat et à mettre en lumière la production des artistes noirs. Elle montre aussi la personnalité des modèles noirs et leurs liens avec les artistes et aborde des questions inédites : depuis l’identité de la servante d’Olympia jusqu’au choc ressenti par Matisse en découvrant Harlem, ses photographes et ses clubs de jazz. Aucune exposition à ce jour n’a exploré ce phénomène de civilisation multiséculaire : en l’organisant, le Musée répond à tous ceux qui leur reprochaient de passer sous silence la question coloniale, pourtant omniprésente pendant la période couverte par leurs collections. Un rendez-vous à ne pas manquer pour mieux comprendre le rôle fondateur du modèle noir dans le développement de l’art moderne.

This exhibition searches to explain the important role of the black model in artistic production. You will discover the identity of the maid of the famous Olympia…

Nos photos de l'exposition :

 

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Vous voulez en savoir plus sur l'exposition ? On vous présente un des chefs-d’œuvre de Marie-Guillemine Benoist ...


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