On a testé pour vous du théâtre par téléphone
Théâre de La Ville et Théâtre de La Colline
Le téléphone sonne. Au bout du fil, une voix douce, posée, mais inconnue, celle d'une comédienne du Théâtre de la Ville. Une pluie de questions se met à tomber : "Tu vis à Paris ?" "Es-tu déjà allée au Théâtre de la Ville ?", "Que lis-tu en ce moment ?", "Comment vis-tu le confinement ?" Nous échangeons sur notre ressenti, après un mois d'enfermement continu. On discute de nos familles, de nos appartements parisiens quelque peu exigus, on en vient même à évoquer la nouvelle série Netflix, "Unorthodox", au cœur de la communauté juive ultra orthodoxe.
Voir le formulaire de réservation du Théâtre de La VillePuis, l'actrice commence à lire un poème, d'une voix qui prend tour à tour des accents nostalgiques, douloureux, interrogateurs : " D'où je suis, moi ? Et la tristesse / Et la joie de ce monde ? D'où ?" On se laisse bercer par ces paroles, philosophant sur l'origine des êtres. À la fin du poème, après un temps de silence, la comédienne nous donne le titre : "D'où ?" de Rûmî, un poète mystique persan. Puis, cette consultation poétique proposée gratuitement chaque jour de la semaine, le matin et en fin d'après-midi par le Théâtre de la Ville, prend fin. On reste rêveur, avide de découvrir les autres poèmes de cet homme, jusqu'alors étranger pour nous. Le temps s'est arrêté, on a oublié l'heure et nos pensées négatives sur le Coronavirus nous semblent lointaines. On comprend pourquoi l'offre connaît un franc succès, à tel point que le théâtre a dû ouvrir de nouveaux créneaux horaires.
Quelques heures plus tard, un comédien du Théâtre de La Colline, Claude-Bernard Perot, fait retentir de nouveau la sonnerie de notre téléphone. Il nous propose quatre textes au choix, dans le cadre de l'initiative gratuite du théâtre, "Au Creux de l'Oreille", dont une correspondance épistolaire entre Albert Camus et René Char, mettant en lumière l'amitié forte qui les unissait. La lecture de leurs oeuvres réciproques les lie à jamais, ils ne cessent de s'encourager l'un l'autre. Leurs déclarations d'amitié résonnent en chacun de nous : "Je voudrais être pour vous le compagnon dont est sûr, toujours", "vous avez toute mon affection constante", "mais vous disparaîtriez pendant dix ans que vous retrouveriez en moi la même amitié, aussi jeune qu’il y a des années quand je vous ai découvert en même temps que votre œuvre". Ces paroles nous apaisent, nous font du bien en cette période de confinement. "J'ai choisi ces lettres parce qu'Albert Camus et René Char sont deux résistants et nous sommes dans une période de résistance. On a besoin de revenir à des figures comme celles-là", justifie le comédien avant de me laisser et d'enchaîner avec un autre interlocuteur. L'échange aura duré une trentaine de minutes sans que je m'en aperçoive.
Voir le formulaire de réservation du Théâtre de La CollineProfitez de ces instants suspendus, de ces échappées en vous inscrivant sur les sites de ces deux théâtres. Vous ne le regretterez pas.