Saint-Saëns, un esprit libre : l'exposition hommage de la BNF au Palais Garnier
BNF - Palais Garnier
Du 25 juin au 10 octobre 2021
L’Aquarium et Le Cygne du Carnaval des animaux, la Danse macabre ou la Bacchanale de Samson et Dalila sont de ces airs que l’on fredonne sans toujours savoir en nommer le titre. Compositeur virtuose, Camille Saint-Saëns (1835-1921) est un prodige qui marqua son temps et notre histoire. Il est aussi l’homme qui franchit un siècle de mutations qui bouleversèrent le langage harmonique. Né dans le romantisme de Rossini, Schubert, Berlioz et Schumann, il traversa une époque bercée tant par les mélodies folkloriques des ballets de Tchaïkovski que par la musique populaire de Chopin ou les persistances esthétiques de Smetana, Dvorak et la démesure du grand Wagner. Lizst, l’entendant improviser sur l’orgue de la Madeleine, dit de celui qui était l’ami et le professeur de Fauré, qu’il fut « le plus grand organiste du monde ». C’est que, pour Saint-Saëns, « l’art a le droit de descendre dans les abîmes, de s’insinuer dans les replis secrets des âmes ténébreuses ou désolées », ajoutant que « ce droit n’est pas un devoir ». Malgré l’indéniable sérieux de ses partitions minutieusement agencées, l’émotion se déploie, sublime et délicate, dans l’aria de Samson et Dalila. Saint-Saëns élabore également un répertoire profondément patriotique : « Si l’art n’a pas de patrie, les artistes en ont une. », écrit-il en se souvenant de la défaite de Sedan et du siège de Paris par les troupes prussiennes en 1871. A l’occasion du centenaire de sa disparition, l’exposition de la BNF, en collaboration avec l’Opéra de Paris, rend hommage à cet ambassadeur de la musique française. Plus de deux cents pièces, manuscrits, partitions, correspondances, photographies, objets, tableaux, maquettes de décors et de costumes ont ainsi été exceptionnellement réunis dans cette première rétrospective dédiée à celui qui s’imposa comme un esprit fougueux de vie et de liberté.
Le saviez-vous ?
En 1915, Sacha Guitry présente son film documentaire intitulé Ceux de chez nous, en réaction aux intellectuels allemands qui exaltent la culture germanique. Pour défendre le patrimoine français en pleine Première Guerre mondiale, il réunit ceux qu’il estime être les plus grandes personnalités de son temps, dont Sarah Bernhardt, Edgar Degas, Claude Monet, Auguste et Claude Renoir, Auguste Rodin et Edmond Rostand. Camille Saint-Saëns y conduit le ballet d’Henri VIII, « âgé de quatre-vingts ans, prodigieusement lucide, constamment de mauvaise humeur et dirigeant au son d’un piano [celui d’Alfred Cortot] tout un orchestre supposé et dont il était seul à percevoir les harmonies ». C’est le cinéaste lui-même qui raconte l’anecdote sur ces images grâce à un procédé de post-synchronisation qui annonce les prémices du doublage dans un cinéma qui resta pourtant muet jusqu’au milieu des années 1920.