Jean-Francis Auburtin expose ses fascinants paysages au Musée de Lodève

Musée de Lodève
Jusqu'au 27 mars 2022

Jean-Francis Auburtin peignait les paysages comme on peint un visage. Des lignes bien dessinées, des tonalités pures, une expression inoubliable. Pourtant, l’artiste fait partie des grands oubliés de l’Histoire de l’art. Impensable quand on découvre la sublime rétrospective que lui consacre le Musée de Lodève. Une centaine de chefs-d’œuvre magnifiquement mis en scène ravivent nos mémoires, abasourdies face à tant d’éclat. Pour comprendre l’artiste, il faut tout d’abord le réinscrire dans la lignée des peintres sur le motif : on pense à Delacroix, Courbet, Boudin et évidemment Claude Monet. Pourtant, on se surprend à reconnaître sa peinture entre mille. Un sens de la composition digne de l’immense décorateur qu’il a été, l’œil d’un grand photographe, un détail dans la touche qui nous donne l’impression étrange d’être encore à ses côtés face au motif, et des couleurs électrisantes tout en jouant sur une palette réduite au minimum. Ici, le silence s’est imposé. La nature est reine, éternelle. Nous devons la regarder droit dans les yeux. Auburtin s’affiche en véritable « portraitiste de la nature », décelant dans chaque paysage le caractère intime du lieu comme on sonde le regard d’un modèle. Un modèle qui se décline magnifiquement au gré de ses pas, arpentant les plus beaux sites de France. L’artiste traque le motif pour recomposer une nature revisitée mais pour autant bel et bien réelle, inventant sa propre mythologie. Ici une nymphe semble émerger des vagues claires d’Etretat, là des sirènes et autres faunes communient avec une eau intacte et pure. On le surnommera le « symboliste de la mer » tant l’artiste réveille notre fascination pour l’univers marin. Au-delà de la douceur des tons, une chose nous frappe ici. Une furieuse filiation avec les estampes japonaises, dont on retrouve ici l’art d’une composition parfaite. Et pour cause, Auburtin est un passionné de cet art, qu’il collectionne farouchement. Face à ses œuvres teintées de la puissance des grandes fresques décoratives et empreintes d’un symbolisme charnel éminemment rare, nous nous surprenons à imaginer des correspondances impensables. Comment ne pas penser aux trésors d’Hokusai face à ces monts à la ligne parfaite qui se dessinent en contre-jour ? Comment ne pas rester intrigué face à ce soleil levant et à ces silhouettes d’ombres qui pourraient rappeler les grands monuments immortalisés par Monet ? Comment ne pas voir dans ces roches violettes et fushias les prémices des extravagances fauves ? Au fil de l’exposition, les lumières de ses œuvres deviennent obsédantes, aussi exaltées qu’exaltantes. Auburtin réussit la synthèse époustouflante de tous ces arts dans des toiles qui encapsulent le théâtre d’un Âge d’Or sublimé. Le musée de Lodève nous propose plus qu’une exposition, une expérience presque méditative qui touche à l’absolu, comblée de spiritualité et de grâce.

 

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Jean-Francis Auburtin - La nature comme modèle 

Le musée de Lodève consacre une grande exposition à Jean-Francis Auburtin, peintre tombé relativement dans l’oubli dont l’œuvre onirique et sensible charrie pourtant de nombreuses influences. Marchant dans les pas des impressionnistes et des nabis, Auburtin partage son œuvre entre la peinture décorative – inspirée par l’illustre Puvis de Chavannes – et des paysages empreints de symbolisme. Ainsi l’exposition déploie-t-elle un double parcours thématique, confrontant méthodiquement les deux facettes du peintre : celle du symboliste d’un côté, celle du paysagiste de l’autre. Ses grandes fresques décoratives pour des établissements publics (de la Sorbonne au Conseil d’État) sont peuplées de sirènes, de faunes, de cyclopes et autres créatures mythologiques qui réactivent l’imaginaire antique d’un âge d’or. Auburtin dépouille ses panneaux de toute structure narrative, ne laissant plus transparaître que le lyrisme charnel des nymphes et sirènes qui habitent ses paysages marins. Pour ses compositions, le peintre arpente les plus beaux sites du littoral français : il plante son chevalet à Porquerolles, à Belle-Île-en-Mer ou à Étretat, dans le sillage d’un certain Claude Monet. En parallèle, le peintre développe une peinture sur le motif dénuée de toute représentation symbolique : variant inlassablement les vues d’un même paysage, Auburtin déploie un large spectre de couleurs, de tons, de cadrages, au gré des alizés et des changements de lumière. Au début du XXe siècle, ce dernier nourrit son œuvre du style des estampes japonaises, qu’il collectionne farouchement. Des falaises d’Étretat au pic de Béhorléguy, dans les Pyrénées, Auburtin embrasse le sens de la mise en page des estampes et intériorise le goût de la simplification caractéristique d’Hokusai : multipliant les aplats et réduisant drastiquement sa gamme de couleurs, le peintre atteint alors une simplicité déconcertante du motif et conforte un style résolument personnel. Style qui culmine alors dans cette rencontre entre l’intimité du peintre et la monumentalité de la nature.

 

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Le saviez-vous ?

L’aiguille d’Étretat, sublimement dépeinte par Auburtin, est le symbole emblématique de cette côte de calcaire rendue célèbre par les plus grands peintres du XIXe siècle (Monet, Delacroix, Courbet, etc.). Mais c’est aussi le lieu de l’intrigue de L’Aiguille creuse de Maurice Leblanc une des aventures d’un certain Arsène Lupin, qui a grandement contribué  la popularité d’Étretat !

MUSÉE DE LODÈVE
Jusq'au 27 mars 2022
Square Georges Auric,
34700 Lodève


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