Le rappeur Fianso est-il convaincant en Gatsby le Magnifique au Théâtre du Châtelet ?
Théâtre du Châtelet
Du 16 au 20 février 2022
Beaucoup l'attendait au tournant mais le sourire affiché par Sofiane Zermani au terme d'une représentation d'une heure et quart en dit long. Trois ans après son succès sur Radio France, le rappeur superstar Fianso enfile une nouvelle fois le costume de Gatsby le Magnifique pour une adaptation théâtrale du chef d’œuvre de Francis Scott Fitzgerald. Le temps de cinq représentations exceptionnelles, le trentenaire aux multiples disques de platine troque ainsi les studios de la Seine-Saint-Denis pour les planches du théâtre du Châtelet. Une question demeure : Fianso arrive-t-il à nous convaincre sous les traits d'un jeune millionnaire dévoré par ses sentiments pour une femme mariée ? Tout semble hélas opposer les deux hommes. Pourtant, les parallèles entre Sofiane et Gatsby se dessinent entre les lignes du roman. Contre toute-attente, le comédien partage avec son personnage une ambition, un sens du sacrifice et une concentration vers un but ultime. Mobilisant ces traits de caractère commun, le rappeur, porte-voix des invisibles, délivre alors une performance toute en retenue. Tapi dans l'ombre une partie de la représentation, Fianso tout de noir vêtu attire ainsi la lumière lors de chacune de ses apparitions, éclipsant presque ses partenaires de jeu la sublime Lou de Laâge et le talentueux Pascal Rénéric. Une interprétation discrète, loin de l'image bling-bling que nous pouvions associer au personnage de Gatsby.
Le texte. Voici la force de cette adaptation, située au carrefour du jazz, de la musique classique et du hip-hop, mise en musique par Issam Krimi. Si la musique reste omniprésente au fil de la pièce, le texte débité avec fougue par Pascal Rénéric nous propulse au cœur des années 20 sur les rives de Long Island. Le décor est ici minimaliste, les lumières tamisées. Les fastueuses soirées de Gatsby se résument simplement aux répliques des trois comédiens et au petit orchestre composé de six musiciens. Le reste, c'est au spectateur de l'imaginer.
Un mot des metteurs en scène :
Gatsby veut échapper à sa condition de « pauvre ». Il veut conjurer le sort. Il s’invente une autre vie, un personnage, un idéal, et il fait tout pour lui ressembler point par point. Il y réussit. Seulement, dans sa course effrénée vers la perfection de son rêve, il en oublie la réalité. Et il s’y heurte, s’y fracasse, s’y démolit. Témoin de ce destin brisé, Nick Carraway raconte sa rencontre avec Gatsby, à West Egg (Long Island), lors de l’été 1922. Il raconte des années plus tard, comme hanté par cette histoire, par ce qu’il a vécu cet été-là, par ce qu’il a vu et compris de la société, de ses codes et de sa violence. C’est un narrateur qui ne cesse de nous dire son écœurement tout en sublimant son ami Gatsby, en le nimbant d’un pouvoir, d’un mystère, d’une magie. En nous donnant à voir à chaque instant combien Gatsby, cet été-là, était magnifique.