Notre avis sur "À huis clos", la pièce de Kery James
Théâtre Chaillot
Du 11 au 14 octobre 2023
Voilà une soirée au théâtre dont on risque de se rappeler ! Hier soir, jeudi 12 octobre 2023, nous sommes allés voir la représentation d'à huis clos, la pièce écrite et jouée par le rappeur Kery James au théâtre Chaillot. Une soirée qui, tout du long, aura été pleine de surprises !
La première concerne la composition du public. Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas vu au théâtre un auditoire aussi diversifié, aussi bien en termes d'âge que d'origine sociale. Tous venaient remplir des gradins devenus plus vivants que jamais, attirés par leur curiosité à l'égard de la performance de Kery James.
Et dès les premiers dialogues, on reconnaît tout de suite le rappeur. Le texte est riche, ciselé, mélodieux et engagé... au point de l'être un peu trop. Et pour cause, on assiste au début de la pièce à une scène surréaliste : un homme, armé, entre comme si de rien était, dans le bureau d'un juge préoccupé par des affaires de famille. Si l'idée ne pose a priori aucun problème (d'autant que la performance des comédiens permet de la rendre crédible), la richesse du texte, que l'on sent écrit, nous rappelle un peu trop brusquement que nous sommes au théâtre et que nous assistons à quelque chose de fictif.
Puis vient le moment où l'on se prend au jeu, curieux d'écouter ce que ces deux personnages ont à dire. Car des choses à dire, Souleymane Traoré (le personnage incarné par Kery James) en avait ! Dans un premier acte fort, l'avocat issu des quartiers prolétaires (et non pas populaires, il y tient) balance au juge tout ce qu'il avait à lui reprocher, profitant du moment pour dénoncer le système à l'origine de plusieurs décennies de drames liés aux violences policières et parler haut et fort du sentiment d'injustice qui rugit dans les quartiers populaires. Et ce match est loin d'être à sens unique. Le juge répond aux invectives de son opposant, les unes après les autres, se faisant par le même temps le porte-voix du français moyen. Le combat fait rage, minutes après minutes, jusqu'à l'atteinte d'un point culminant où le juge cessera définitivement d'être la simple victime d'une séquestration.
Alors la tension redescend... Les deux protagonistes, épuisés, finissent par abandonner leur débat de sourds pour lui préférer la discussion. Un échange où chacun livrera son humanité, au cours de dialogues lumineux sur l'amour, la famille, les humains, la vie et la nécessité d'y être résilient... Des passages tout simplement saisissants. Et lors de chaque seconde qui passe, on se rappelle que ces deux témoignages, pourtant si éloignés et antagonistes, ont été écrits par le même homme qui, par sa performance, vient de gagner définitivement le respect d'un auditoire dont il a littéralement coupé le souffle. Alors, quand survient la fin (dont on ne vous dira évidemment rien), on est à la fois tristes, stupéfaits et admiratifs. La pièce s'achève, laissant place à un tonnerre d'applaudissements, de sifflements et de cris qui nous font nous sentir bien. Parce qu'on venait d'assister à une grande festivité populaire, dans une pièce qui avait été écrite et jouée par des gens, pour d'autres gens...
THÉÂTRE CHAILLOT, 75016
Du 11 au 14 octobre 2023
Du mer au ven. à 19h30, le sam. à 17h
De 15 à 45 €
P.S : Si vous avez manqué les représentations au théâtre Chaillot, sachez que la pièce est donnée au théâtre du Rond Point du 15 novembre au 3 décembre.
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