Bérénice au Théâtre Sarah Bernhardt – Isabelle Huppert, l’amour en exil

THÉÂTRE SARAH BERNHARDT
Du 20 juin au 6 juil. 2025

 

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Elle entre en scène comme on entre dans un souvenir. Une silhouette incandescente, tendue entre l’attente et le départ. Il n’y a pas de trône, pas de palais, pas de bijoux dans cette Bérénice : seulement une femme debout, qui ne demande rien, qui ne réclame rien, mais dont l’amour se tient là, immense, irrémédiable, silencieux. Isabelle Huppert, dans une version librement inspirée de Racine, compose une reine sans emphase, une femme qui vacille sans rompre, dans un spectacle dépouillé, âpre, tendu comme un fil.

Célie Pauthe n’adapte pas Racine, elle le prolonge. Elle fait de Bérénice un poème scénique, à la fois fidèle à l’esprit classique et intensément contemporain. Pas de vers ici, mais une langue précise, musicale, d’une sobriété élégante. Pas de mise à distance, pas de citation postmoderne non plus. Un théâtre de la concentration, de la lenteur, du presque rien. Les passions sont là, intactes, mais dites à voix basse. Dans ce refus du spectaculaire, l’émotion trouve une profondeur inédite.

Huppert ne joue pas Bérénice : elle l’incarne avec une retenue foudroyante. Pas une larme, pas un cri. Tout se passe dans les silences, les silences qu’on voudrait combler, les regards qu’elle retient, les gestes qu’elle suspend. Elle fait entendre la blessure amoureuse comme une voix intérieure, étouffée, royale dans sa pudeur. En face, Titus, absent du plateau mais omniprésent dans le texte, devient une absence absolue, une frontière politique infranchissable. La scénographie, dépouillée à l’extrême, épouse cette radicalité. Un espace vide, des cloisons mouvantes, un clair-obscur froid. Rien n’y est décoratif. La lumière découpe les corps comme dans un huis clos antique. La parole circule comme un souffle, tour à tour retenu, suspendu, puis tranchant. C’est un théâtre de l’épure, presque mystique, où l’on n’assiste pas à une intrigue, mais à une traversée intérieure. Une femme seule face à l’amour qui se dérobe, face à un monde qui choisit l’ordre plutôt que le cœur.

Ce n’est pas une Bérénice pour les amateurs de lyrisme flamboyant. C’est une Bérénice pour ceux qui savent entendre le murmure d’un renoncement. Un spectacle d’une radicalité douce, qui refuse l’émotion démonstrative mais vous saisit, longuement, dans la durée. Un théâtre rare, exigeant, qui rappelle que la beauté peut être froide, tranchante, implacable comme une décision politique.

THÉÂTRE SARAH BERNHARDT, 75004
Du 20 juin au 6 juil. 2025
De J. Racine,
Avec I. Huppert
Du mar. au ven. à 20h, sam. à 15h et 20h, dim. à 15h
De 8 à 39 €
Billetterie

 


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