Exposition L’Atelier d’Éric Seydoux au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis
Musée Matisse – Le Cateau-Cambrésis
Du 8 juin au 2 novembre 2025
L’Atelier d’Éric Seydoux, imprimeur et éditeur en sérigraphie
Il avait fait de l’encre et du papier les complices silencieux d’une histoire de l’art en marche. Éric Seydoux, imprimeur et éditeur en sérigraphie, s’est imposé au fil des décennies comme l’un des artisans les plus sensibles et audacieux de son temps. Le musée départemental Henri Matisse, dans la ville natale du peintre, consacre aujourd’hui à cet homme de l’ombre une exposition vibrante, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France : L’Atelier d’Éric Seydoux, imprimeur et éditeur en sérigraphie, à découvrir du 8 juin au 2 novembre 2025.
Le geste du passeur
Seydoux n’était ni artiste ni simple artisan : il était ce trait d’union rare entre la création et sa reproduction, entre le geste original et son écho imprimé. Du souffle contestataire de Mai 68 aux éclats de la bande dessinée et aux fulgurances de l’art contemporain, son atelier a vu passer plusieurs générations d’artistes – Viallat, Soulages, Kusama, Crumb, Loustal, Buren ou encore Shirley Jaffe. Tous l’ont choisi pour sa capacité unique à faire exister leurs œuvres sur le support sérigraphique sans jamais les trahir.
Formé aux États-Unis, passé par l’imprimerie Paris Arts, Seydoux trouve très tôt dans la sérigraphie non seulement une technique, mais un champ d’expression à part entière. Avec son complice Jack Pesant, il fonde en 1974 son propre atelier, véritable ruche d’innovation où se croisent artistes de bande dessinée et plasticiens conceptuels. La couleur, le grain, la superposition deviennent alors les notes d’un langage subtil, qui fait de chaque tirage une nouvelle œuvre, fidèle mais singulière.
Une exposition manifeste
L’exposition orchestrée au musée Matisse – enrichie par les prêts inédits de la famille Seydoux – rassemble plus de 200 œuvres et se déploie en quatre séquences thématiques, retraçant l’évolution du maître sérigraphe. Le parcours, limpide et généreux, donne à voir autant qu’à comprendre : affiches de Mai 68, estampes contemporaines, expérimentations chromatiques, tirages d’exception – tout un monde se dévoile, fait d’engagement, de savoir-faire et de passion pour la matière.
On y découvre la manière dont Seydoux parvient à dompter une technique réputée rigide, à lui offrir des textures inattendues, allant jusqu’à imiter le flou d’une aquarelle ou les vibrations d’un fusain. Son atelier devient alors un espace de dialogue, un laboratoire où l’on invente à quatre mains.
Un ancrage dans le Nord
Seydoux, c’est aussi une histoire d’attachement. L’homme aux origines textiles – la famille Seydoux est enracinée dans l’industrie du Cateau-Cambrésis – revient ici en territoire familier. Le musée Matisse, qui l’avait accueilli en 2006 pour une série de pièces réalisées avec Monique Frydman, entretient depuis un lien organique avec son travail. L’exposition s’inscrit dans une volonté plus large de coopération entre la Bibliothèque nationale de France (où une première version a été montrée en 2023) et les institutions culturelles des Hauts-de-France.
Dans ce musée récemment agrandi, abritant l’une des plus riches collections Matisse au monde, le geste de l’imprimeur trouve une résonance particulière. Comme Matisse avec ses papiers découpés, Seydoux a su explorer les ressources du multiple sans jamais renoncer à l’émotion du singulier.
Une mémoire de l’art vivant
Loin d’un hommage figé, L’Atelier d’Éric Seydoux, imprimeur et éditeur en sérigraphie apparaît comme un manifeste discret sur le rôle des passeurs dans l’histoire de l’art. Ceux qui, dans l’ombre des grands noms, permettent aux idées de se matérialiser, aux images de circuler, à la beauté d’exister hors du musée. Une manière de rappeler que l’impression n’est pas simple reproduction, mais un acte créatif à part entière – un art, au sens fort du terme.
Le saviez-vous ?
« Le peintre se décharge de son émotion en peignant. » Ces mots d’Henri Matisse résonnent avec une intensité particulière dans ce lieu qu’il a lui-même imaginé. Le musée du Cateau-Cambrésis n’est pas un hommage posthume : c’est une promesse tenue de son vivant, un acte de transmission direct entre l’artiste et sa terre natale. En 1952, Matisse offre à sa ville 82 œuvres et installe lui-même ce musée dans l’Hôtel de Ville Renaissance.
Derrière les murs du Palais Fénelon, ancienne demeure des archevêques de Cambrai, refuge de Fénelon puis filature de coton, s’épanouit aujourd’hui l’une des plus riches collections Matisse au monde. Agrandi en 2024, ce musée abrite non seulement l’œuvre du maître du fauvisme – peintures, dessins, gravures, papiers découpés – mais aussi les donations exceptionnelles de Tériade, Herbin et Claisse. Ici, Picasso, Léger, Chagall, Soulages ou Giacometti croisent les inventions de l’alphabet plastique d’Herbin dans une école réinventée, et les grands aplats vibrent entre les murs d’une architecture nommée au prix Mies van der Rohe.
De cour en jardin, des salles claires aux galeries textiles, chaque pas prolonge l’émotion d’un geste : celui d’un artiste qui, plutôt que d’ériger un mausolée, choisit d’ouvrir une maison vivante. Un lieu où l’art se partage à l’infini.
Musée départemental Matisse – Le Cateau-Cambrésis
Du 8 juin au 2 novembre 2025
Palais Fénelon, place du Commandant Richez, Le Cateau-Cambrésis