Lumière crue, paillettes sur marbre, ciment dans l’herbe… sous la baguette-mode de Rick Owens, le Palais Galliera devient appareil à métaboliser le réel.

La coupe n’y sert pas à habiller, mais à déplacer : étirer les corps, décaler la verticalité, greffer de la sculpture à la marche. Le fameux gris dust n’est plus une teinte – c’est une politique du réemploi, une manière d’imposer la durée à l’ère du jetable. Au cœur du dispositif, la statue-manifeste qui urine dans un filet d’eau ne choque qu’à moitié : ce n’est pas du mépris, c’est un drainage. Faire circuler, délester la morale de sa pesanteur, refuser la pudeur punitive.

Owens dévie les normes pour bâtir un refuge d’excès tendres. Les silhouettes, non genrées par principe plus que par effet, traitent la marginalité comme une noblesse, au-delà de la posture. Ici, la décadence devient la condition qui autorise l’attention au vivant, au cuir qui vieillit, au tissu pauvre qui gagne en dignité, à la pièce qui traverse les saisons au lieu de s’y soumettre.

Reste une douceur, presque liturgique : rideaux ouverts, risques assumés, œuvre offerte au soleil. Rare dans un musée de mode, cette acceptation de l’altération dit tout : la beauté n’est pas une relique, c’est un flux. Et si le temple a un dogme, le voici : aimer sans hiérarchie, éclairer sans excuser, sculpter des abris pour celles et ceux que la ville rend « trop ». 

PALAIS GALLIERA
Jusqu’au 4 janvier 2026
10 avenue Pierre 1er de Serbie, 75116 - M° Iéna (9)
Du mar. au dim. 10h-18h, noct. ven. jsq. 21h
Tarif : 14 € - TR : 12 € - Gratuit – 18 ans