L'exposition universelle Dubaï 2020 : la folie des grandeurs

Exposition Universelle de Dubaï
Jusqu'au 31 mars 2022

Après six mois de festivités, la plus grande exposition du monde touche bientôt à sa fin. Retour sur cette édition hors norme, synonyme de tous les superlatifs, située en marge de tous ses prédécesseurs autant par sa grandeur que sa démesure.

Difficile d’imaginer que, cinq ans plus tôt, le site n’était encore qu’un désert de sable. Comme souvent, l’arrivée d’une Exposition Universelle bouleverse le paysage local, la ville hôte devenant, le temps des festivités, le centre du monde. Il était donc fort à parier que Dubaï, cité d’or aux 573 buildings, réalise l’impossible, à savoir la plus grande exposition jamais construite… à partir de rien. Cinq ans plus tard, le résultat est pourtant là, sans appel. Le site de l’exposition, riche de plusieurs centaines d’infrastructures en tout genre – près de 200 pavillons – autant de points de restauration et quelques dizaines d’installations en plein air, s’étale sur près de 5 km2, soit près de 11 fois la taille du Vatican ! Une ville sortie de terre, métamorphose spectaculaire à la démesure de ce territoire de gratte-ciel érigé sur les terres arides des Émirats arabes unis. Il faut dire que, dès le départ, cette édition dubaïote avait donné le ton, s’affranchissant de ses aînées en poussant à son paroxysme le concept même d’Exposition Universelle : innover davantage pour construire plus loin, plus grand, plus haut. Un projet titanesque, élevé à plus de 7 milliards de dollars, soit plus du double du budget de la dernière édition célébrée à Milan en 2015. Une surenchère incarnée ici par un florilège d’architectures monumentales défiant chacune les lois de la gravité. Que dire de cette série de cascades artificielles absolument spectaculaires, culminant à plus de 13m de hauteur ? Comment ne pas être fasciné par l’esplanade du quartier de la Durabilité, truffée « d’arbres télégraphiques » érigés vers le ciel, composant une véritable forêt numérique à énergie solaire ? D’où vient donc cet impressionnant faucon aux ailes déployées qui fait ici figure de pavillon des Émirats arabes unis ?

 

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L’énumération est ici infinie mais l’apothéose de ce spectacle réside sans conteste au centre du parcours, avec la place centrale d’Al Wasl Plaza. Un véritable bijou d’architecture contemporaine, fruit d’une collaboration inédite entre 14 nations, sur lequel repose une structure en dôme unique au monde – un diamètre de 165m pour une bulle s’élevant à plus de 60m de hauteur – servant de toile de projection immersive à plus de 360°. Plusieurs milliers d’écrans connectés, reliés les uns aux autres, et qui constituent ensemble le plus grand cinéma du monde. Une prouesse architecturale et technologique, symbole de l’ambition dévorante de l’organisateur de l’Exposition qui signe ici une édition manifeste capable d'asseoir sa puissance en matière d’innovation tout en faisant preuve d’une volonté d’inclusion inédite. En effet, parmi tous ses excès, la manifestation peut bien se targuer d’un record, celui d’avoir enregistré le plus grand nombre de pays participants. Dans cette mégalopole de toutes les extravagances, les plus grandes richesses mondiales y côtoient les plus petits États. C’est ainsi qu’au détour d’une allée, on y découvre le pavillon du Royaume de Tonga, ce petit archipel polynésien bordé de plages de sable blanc et de récifs coralliens. Son pavillon abrite une forêt magique aux fleurs numériques programmées pour éclore au rythme des déplacements des visiteurs. Une parenthèse digitale pleine de poésie, nous rappelant la beauté fragile du monde qui nous entoure et notre devoir de le protéger. Cette expérience passagère résume peut-être à elle seule le thème de cette édition hors-normes : « Connecter les Esprits, Créer le Futur ». À l'instar des 192 autres pays participants, le Royaume de Tonga véhicule un message simple, d’unité et d’anticipation, face aux défis climatiques et environnementaux qui nous attendent. Car l’enjeu de cette édition réside bien là. Autrefois vitrine technologique, industrielle et artistique d’un pays, l’Exposition Universelle doit désormais répondre aux attentes et aux inquiétudes de son temps.

 

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Plus qu’une présentation des dernières inventions mondiales, l’Exposition incarne dorénavant une porte ouverte sur le chemin du futur. Dès lors, commence une course folle vers l’innovation, cristallisée ici par cette succession de pavillons ultramodernes, conçus pour la plupart par des architectes de renom, au cœur desquels se racontent les facettes les plus folles de notre avenir. Les Pays-Bas imaginent ainsi dans un avenir proche une ferme verticale, sorte de montagne alimentaire haute de 18 m dans laquelle poussent pas moins de 9000 plantes et champignons comestibles, tandis que certaines nations reconstituent leur microclimat dans des installations immersives sensorielles plus vraies que nature : c’est ainsi que Singapour recrée une jungle tropicale époustouflante alors que le Brésil opte de son côté pour la reconstitution du bassin amazonien dans les conditions météorologiques exactes de son écosystème. Une plongée saisissante dans la forêt brésilienne à l’autre bout du monde… Une cité du futur peuplée de robots en tout genre dans laquelle les États-Unis, fidèles à leurs ambitions lunaires, poursuivent leur conquête des étoiles à travers un gigantesque édifice aux couleurs de la NASA. Laissez-vous happer par l’installation vertigineuse et écrasante du pavillon russe qui déploie tous les moyens pour nous faire plonger dans les méandres du cerveau humain. Parmi toutes ces propositions, nous retenons ce goût du gigantisme que s’approprie sans mal l’Arabie Saoudite. Son pavillon est à l’origine de plusieurs records, dont celui du plus grand sol d’éclairage interactif au monde, avec plus de 8000 LED qui illuminent les moindres mouvements des visiteurs. Pendant ce temps, le patrimoine culturel européen se réinvente au gré des nouveaux outils numériques, à l’image du pavillon britannique, structure performative et mouvante utilisant l’intelligence artificielle pour envelopper ses visiteurs dans une nuée de poèmes. À travers toutes ses innovations, quelle place accordée aux trésors passés ? L’Italie a fait un choix audacieux, en osant numériser et imprimer en 3D le David de Michel-Ange pour en faire une version XXL haute de 6m ; lorsque la France, fidèle à sa réputation de pays des Lumières, a décidé lui d’exposer 35 volumes originaux de l’Encyclopédie d’Alembert et de Diderot.

 

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Enfin, parce que cette édition ne sera définitivement pas comme les autres, Dubaï 2020 ne connaîtra pas la même fin que ses aînées. Pour la première fois de son Histoire, l’Exposition Universelle ne sera pas démontée. Un peu plus de 80% des infrastructures construites pour l’occasion – à l’exception du pavillon français qui une fois de plus se distingue de ses confrères en revenant à Toulouse – resteront sur place et continueront d’être utilisés en tant que bureaux, écoles, lieux de divertissement et de résidence. Une fin de parcours située à contre-courant des précédentes manifestations mais qui confirme une réflexion mondiale autour d’un nouvel Eldorado, celui de la cité durable.

Le Saviez-Vous ?
Si nous associons les Expositions Universelles à certains des plus grands monuments parisiens, comme la Tour Eiffel, le Grand Palais ou le Palais de Tokyo, nous sommes encore très nombreux à ignorer leur rôle dans l’avènement de plusieurs centaines de créations. Saviez-vous par exemple que le tout premier téléphone au monde fut présenté à l’Exposition Universelle de 1876 aux côtés d’autres créations tout aussi révolutionnaires comme le popcorn ou le ketchup ? Imaginiez-vous que la première ligne de métro parisienne fut inaugurée lors de l’Exposition Universelle de 1900 ? Théâtre de toutes les innovations, les Expositions Universelles ont successivement accueilli les premiers prototypes de tondeuse à gazon, de machine à laver et de téléphone sans fil.


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