Critique : Zola l’infréquentable au Théâtre de la Contrescarpe

 

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Cette pièce nous emmène aux balbutiements de l’Affaire Dreyfus, à l’époque où tout Paris semble convaincu d’une chose : le capitaine Alfred Dreyfus est coupable, c’est bien lui qui livre des informations secrètes à l’Allemagne. À l’aube du XXᵉ siècle, alors que la France entière s’affiche nationaliste et antisémite, le militaire de confession juive devient le bouc émissaire idéal.

Toute la France ? Pas si sûre, un homme s’élève seul contre tous, persuadé de l’innocence du capitaine : l’écrivain Émile Zola. Comme l’indique son titre, la pièce accentue volontairement la différence du romancier, infréquentable, trivial, presque vulgaire, aveuglé par sa volonté de se rapprocher du peuple. Nous assistons pendant plus d’une heure à la rage montante de Zola, prêt à tout pour faire éclater cette machination juridique : « La vérité est en marche, et rien ne l’arrêtera ». Cette colère incontrôlable, passionnée, le mènera, comme nous le savons tous, à l’écriture d’un des articles les plus célèbres de l’Histoire de France « J’accuse », paru le 13 janvier 1898 dans L’Aurore, journal à l’origine destiné à l’actualité artistique et non politique.

 

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Boudé de tous, jugé ridicule, l’auteur a été radié du Figaro dans lequel il écrivait, et n’a pas eu d’autre choix que de se tourner vers un autre journal. Si le clou du spectacle s’avère la parution du triomphant « J’accuse », l’essentiel de la pièce se focalise sur la période qui la précède, celle du combat dans l’ombre, une bataille dont l’adversité s’incarne ici à travers un homme, Léon Daudet, pamphlétaire radical du Figaro, fils de l’écrivain et ami d’Émile Zola Alphonse Daudet, qui se régale de la dégradation du capitaine Dreyfus, et en livre un article ignominieux. Ce choix scénaristique, orienté sur l’avant « J’accuse », révélant avant tout la relation conflictuelle entre Zola et Léon Daudet, mêlant divergences politiques et amour propre, pourra ainsi en déconcerter plus d’un. Zola l’infréquentable est une pièce à texte réservé aux initiés, aux amoureux de cette affaire qui la connaissent déjà sur le bout des doigts. Aucune volonté pédagogique n’y transparaît, comme le souligne la mise en scène d’une grande sobriété, seulement rehaussée par quelques transitions musicales entre les actes. Non, la force de Zola l’infréquentable se révèle être sa prose, particulièrement soignée, parfois d’une drôlerie aiguisée. Les férus d’Histoire en auront donc pour leur compte, écoutant les insultes littéraires fuser entre les deux auteurs à l’égo flamboyant.

La bataille lyrique entre le journaliste antisémite et le romancier de l’humanité demeure particulièrement savoureuse, mais s’adresse à un public spécifique, à la recherche de la face cachée de l’Affaire Dreyfus.

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