Record mondial pour Magritte !
Dans l'atmosphère feutrée de la salle des ventes de Christie's, temple de l'industrie de l'art niché près du Rockefeller Center à New York, l'histoire s'est écrite en lettres d'or le 19 novembre dernier. L'Empire des lumières, toile iconique de René Magritte, a été adjugée pour la somme colossale de 121 millions de dollars, établissant ainsi un nouveau record mondial pour une œuvre de l'artiste belge, en devenant également l'œuvre surréaliste la plus chère de l'histoire. Un prix ahurissant, certes, mais qui n'est que le juste reflet de l'extraordinaire singularité de cette œuvre. Petit bijou de de bizarrerie incarnant l'âme du surréalisme, l'œuvre de Magritte tient son pouvoir de sa simplicité déroutante. L'Empire des lumières, fruit d'un cycle de 17 versions de la même œuvre peintes par Magritte entre 1949 et 1964, représente une maison bruxelloise plongée dans l'obscurité de la nuit, éclairée par la lueur d’un lampadaire sous un ciel... diurne. Une incongruité qui trouble, fascine, déroute. L'œil du spectateur, d'abord trompé par une scène qui semble crépusculaire, se rend peu à peu compte de l'anachronisme fondamental qui l'habite, de cette coexistence absurde entre le jour et la nuit. La beauté de l'œuvre réside dans sa capacité à créer un paradoxe de l'espace-temps, où tout semble s'entrelacer pour dévoiler une dimension irréelle, une illusion qui prend racine dans l'esprit du spectateur.
« Ce Magritte, issu de la collection de Mica Ertegun, est sans conteste l'un des plus remarquables de la série », déclare Max Carter, vice-président de l’art du XXe et du XXIe siècle chez Christie's. Cette vente détrône d'ailleurs une des précédentes versions de l'oeuvre, plus petite, qui s'était envolé pour 79 millions en 2022. « Plus grand que l'original, il amplifie l'atmosphère étrange qui émane de l'image. » L'héritage esthétique de cette objet étrange dans le monde l'art est considérable, en témoigne la scène iconique de l’arrivée du père Merrin dans L'Exorciste (1973), pour laquelle le cinéaste William Friedkin s'était inspiré de l'oeuvre du génie belge. À travers la perspective de cette empreinte colossale laissée par la toile dans les imaginaires et son rôle dans l'histoire de l'art, cette somme astronomique semble alors prendre du sens. L'Empire des lumières, tel un phare surréaliste dans l'obscurité de l'art contemporain, continue de fasciner et de déchaîner les passions, témoignant de sa force artistique à l'épreuve du temps.