L’encre de Chine




Peindre hors du monde. Voici la délicate invitation du musée Cernuschi qui, à travers la sublime collection du regretté Ho Lu-kwong, revient sur un peu plus de trois siècles d’histoire de la peinture chinoise, du milieu du XV e siècle au début du XVIII e . Ces toiles, peintures et calligraphies inestimables illustrent en effet un des moments les plus tourmentés de l’histoire politique chinoise : la querelle dynastique régnant entre les Ming et les Qing. Trois siècles faits de grandeurs et de misères, durant lesquels sages et poètes, membres ou fidèles de la famille impériale destituée, ont dû peu à peu se retirer du monde commun pour un espace refuge propice à la contemplation, la montagne. Dès lors, moines et lettrés des dynasties déchues se sont isolés sur des terres reculées et se sont abandonnés à la pratique du dessin ou de l’encre sur satin. Exposés pour la toute première fois au public européen, ces paysages apaisés, images poétiques d’une grande précision et d’une finesse tout à fait remarquable, constituent de précieux témoignages d’une époque trouble. Le nom de la collection – Chih Lo Lou (le pavillon de la félicité, parfaite) –, lui ne retient que la beauté du geste soulignant l’élégance des traits et l’harmonie d’une vie passée hors du monde.