Salvator Mundi : la toile qui secoue la toile
Un documentaire polémique, des princes saoudiens en colère, un mystérieux livre retiré des ventes et la presse internationale qui s'en mêle… Peut-être êtes-vous passé à côté, peut-être n'avez-vous rien saisi. Pas d'inquiétude, la rédaction d'Arts in the City s'est concertée pour faire le point.
Un itinéraire à peine croyable
Passé d'aristocrates en aristocrates depuis le XVIe siècle ; repeint, dénaturé et difficilement identifiable parmi ses copies. Bref, l'histoire du Salavator Mundi commençait mal. En 2005, un marchand d'art new-yorkais en fait l'étonnante acquisition. L'affaire est conclue avec une petite famille bourgeoise de Louisiane pour la modique somme de 1.175 dollars. En piteux état, la peinture est restaurée, exposée à la National Gallery et achetée par un oligarque russe. Dernier propriétaire en date : le prince héritier saoudien, plus connu sous ses initiales "MBS", avec le montant record de 450 millions de dollars déboursé lors des enchères de chez Christies de 2017, faisant de Salvator Mundi le tableau le plus cher du monde. Depuis, l'œuvre s'est dérobée au public. La rumeur supposerait qu'elle ait pris les voiles sur le yacht de MBS.
Une question persiste - et pas des moindres : Léonard de Vinci est-il l'auteur du Salvator Mundi ?
Un documentaire coup de poing face à un catalogue fantôme
Que dit le documentaire ?
Réalisé par Antoine Vitkine et diffusé ce 13 avril sur France 5, le documentariste affirme qu'il ne s'agirait que d'une "œuvre d'atelier", sur laquelle la supposée participation de de Vinci serait marginale. Ses dires s'appuient sur les conclusions des spécialistes du centre de restauration des Musées de France, soit le laboratoire d'expertise du Louvre, où le tableau s'est vu passé au peigne fin pendant près de trois mois. Cette théorie corrobore avec les origines de Mundi, attribué dès ses premiers siècles d'existence à l'un des élèves de Léonardo.
Que dit le catalogue ?
Sur les étals du Louvre un matin – retiré des ventes le soir-même : l'objet à de quoi titiller la curiosité du public, et surtout de la presse. Certains passages du livre ont finalement fuité. Noir sur blanc, le patron du musée et un commissaire d'exposition confirment l'attribution du tableau au grand Léonard, propos étayés par une démonstration scientifique solide : imagerie multi-spectrale, radiographie, réflectographie infrarouge, cartographie de fluorescence X.... Dès lors, les répondants s'en sont dédouanées, estimant qu'ils n'avaient pas leur mot à dire au sujet d'une œuvre qu'ils n'avaient jamais exposé. Le New-York Times et la Tribune de l'Art ont pourtant soutenu leur première version : pour ces derniers, pas de doute, Mundi est né du pinceau de Léonardo.
Le grand absent de la grande exposition
Un autre élément est venu semer la zizanie. Lors de la grande exposition Léonard de Vinci de l’hiver 2019-2020, le Louvre avait refusé une proposition de prêt par le prince saoudien. En vérité, si le tableau a déserté les couloirs de l'exposition, ce n'était pas dans le doute de son authenticité, mais par refus des conditions princières. MBS exigeait que l'œuvre soit exposée aux côtés de la Joconde. En plus d'un manque de cohérence au sein de la rétrospective, une telle scénographie aurait suscité une trop grande affluence dans la salle des États, et donc d'indéniables problèmes de sécurité.
Alors, Mundi, un vrai ou un faux ?
Si vous ne disposez d'aucun intérêt pécuniaire, la réponse s'imposera d'elle-même.
La polémique soulève une dernière énigme, bien plus obscure, que seule une machine imaginée par Léonard de Vinci pourrait résoudre. Le Maître de la Renaissance italienne est-il, malgré lui, le plus grand faussaire de l'Histoire de l'art ?
Affaire à suivre…