Le Centre Pompidou abrite une rétrospective inédite sur le sculpteur Charles Ray
Centre Pompidou
Du 16 février au 20 juin 2022
C’est une découverte pour la plupart des Français. Charles Ray, l’un des sculpteurs américains les plus insaisissables, fait l’objet d’une double exposition à Paris, orchestrée simultanément au Centre Pompidou et à la Bourse de Commerce. Une première pour cet artiste peu conventionnel… Pourtant, de loin, rien de bien saisissant. On admire des sculptures immaculées, de blanc ou d’argent, s’élançant à la manière des marbres grecs dans des espaces dénudés. Des sculptures moins sages qu’elles n’y paraissent, parfois même censurées comme ce jeune garçon tenant une grenouille en mauvaise posture. Un malaise sous-jacent, presque indicible, s’installe chez le visiteur. Un sentiment accentué par l’impression de vide qui entoure les statues. Car l’artiste est obsédé par l’espace, au point même qu’il aurait, selon la légende, fait envoyer une dizaine de caisses vides à un acheteur pour lui rappeler que ses créations ont besoin d’air… pour respirer. Exécution à la lettre ici chez François Pinault. Alors on s’interroge… Que fait ce camion rouillé perdu au milieu de l’exposition ? Une œuvre qui a nécessité 5 années de travail, pendant lesquelles le sculpteur a compressé son vieux pick-up avant de le déplier, dans une extrême minutie, redonnant ainsi vie à cette "ruine" mécanique. Des sculptures intrigantes, dérangeantes souvent, reproduisant de manière troublante le réel en le déformant, comme ces mannequins XXL qui semblent toucher le plafond, ces silhouettes errantes que l’on ne regardait plus avant de les observer dans un musée, ou cet incroyable tronc d’arbre de plus de 10 mètres d’envergure à admirer au Centre Pompidou. Une sculpture d’une tonne et demi, reconstruite de toute pièce ; une salle construite sur mesure pour ce colosse venu en grue dans l’institution parisienne, lui qui n’avait jamais quitté son musée américain. L’artiste métamorphose tel un alchimiste les matériaux, sculptant aussi bien le marbre, le bois ou le ciment, les fibres de verre ou le papier. Comme ici avec cette sculpture étonnante ornée de motifs pop, revisitant avec audace les Vénus allongées de la Renaissance. Nous croisons ensuite le chemin d’une carcasse de tôle, la reproduction parfaite de l’épave d’une voiture hantée par la mort, qui semble presque sereine, figée au paradis des accidents de la route. Et comme pour clôturer cet instant malaisant, l’artiste nous confie avoir convié quelques fantômes dans son exposition… Un équilibre subtil entre un classicisme intemporel et une contemporanéité des plus radicales, pour deux expositions qui devraient faire réagir.
Le Centre Pompidou revient sur près de 50 années de carrière, de ses débuts en tant qu’artiste-performer jusqu’à ses tout derniers travaux. Une promenade conceptuelle habitée par le corps autant que par l’esprit de Charles Ray, ponctuée d’une vingtaine de ses créations, qui témoignent notamment de sa grande connaissance de l’Histoire de l’art. L’exposition dévoile des pièces exceptionnelles, à l’instar de son arbre renversé Hinoki, une sculpture monumentale réalisée en 2007 et montrée pour la toute première fois en dehors du musée américain qui la conserve.
Focus sur…
Portrait of the Artist’s Mother
À travers cette étonnante sculpture de papier, Charles Ray revisite une partie de l’Histoire de l’art. Ce nu féminin - plus grand que nature - s’inscrit en effet comme le lointain héritier des Vénus allongées de la Renaissance. Le titre de l’œuvre est quant à lui un clin d’œil assumé à un célèbre tableau du peintre américain Whistler, connu comme Portrait de la mère de l’artiste mais officiellement intitulé par son auteur Arrangement en gris et noir n°1.
À la même période, la Bourse de Commerce — Pinault Collection consacre elle aussi une exposition à l’artiste conçue en étroite collaboration avec le Centre Pompidou. Un second événement qui offre une lecture complémentaire de l’œuvre énigmatique de Charles Ray.
Découvrir l'exposition de la Bourse de Commerce