Chez Fabien Mérelle, le monde tient par un fil. Un fil invisible, tendu à l’extrême, qui vacille entre l’absurde et le merveilleux. Au Centre d’art de la Matmut, l’artiste déroule cette marche suspendue où l’on avance, fragile, au-dessus du vide. Ici, le quotidien se délite, les perspectives se tordent, les lois de la gravité s’effacent. Ses dessins, à l’encre de Chine ou à l’aquarelle, rappellent les planches anatomiques des naturalistes. Chaque trait est une incision, un sillon tracé avec la précision d’un scalpel, un fil ténu qui découpe le réel pour y glisser du rêve.

Dans ce voyage en équilibre, l’ordinaire se métamorphose : un homme nu porte un éléphant immense sur ses épaules, un enfant chevauche un poisson géant au milieu d’une mer en apnée, un couple s’enlace en apesanteur, défiant les lois du monde physique. C’est une chorégraphie délicate, un instant figé juste avant la chute, comme si l’artiste capturait ce moment d’apesanteur, ce battement de cœur suspendu entre le réel et l’impossible.

Et puis, il y a les sculptures. Des créatures échappées du papier, arrachées aux griffures d’encre pour s’ancrer dans le bronze ou le bois. Le Gardien des Souvenirs, silencieux et immobile, veille au centre de l’espace, tel un totem arraché aux limbes. Plus loin, un enfant minuscule flotte sur un crâne de baleine. Rien n’est figé, tout semble en suspens, prêt à s’évanouir à la première bourrasque. Ce que Mérelle raconte, ce sont des fables suspendues, des fractures temporelles qui nous invitent à marcher sur un fil tendu entre le tangible et le chimérique. Un pas de côté, une brèche dans le réel où l’imaginaire s’engouffre. Ici, l’homme flotte, l’enfance demeure, la gravité s’oublie. Et dans cet entre-deux, le monde hésite, près à basculer, avant de reprendre son souffle.

Centre d’art contemporain de la Matmut
Du 14 juin au 5 octobre 2025
425 rue du Château, Saint-Pierre-de-Varengeville