Exposition Matière terrestre au Centre photographique de Rouen
Centre photographique de Rouen
Du 24 mai au 27 septembre 2025
C’est dans les failles du quotidien que Françoise Huguier saisit l’essentiel. Un rideau usé, une casserole cabossée, une lumière pâle sur une nappe plastique : autant de fragments minuscules qui racontent la matière même du monde. La photographe poursuit, depuis trente ans, son patient compagnonnage avec l'humanité ordinaire. Non pas celle que l'on exhibe, mais celle que l'on vit – dans une cuisine, une salle de bains, un couloir encombré de souvenirs.
Au fil des pièces et des continents, Françoise Huguier s'attarde dans les appartements communautaires de Saint-Pétersbourg, les maisons basses du détroit de Behring, les intérieurs vibrants des mégapoles d’Asie du Sud-Est. Elle capte ce que nous déposons autour de nous, inconsciemment : une géographie intime de l'existence, un désordre tendre où les matières parlent à notre place. Loin des grands gestes documentaires, elle préfère l'observation latente, la patience d’un regard qui ne juge pas, mais recueille. À travers les objets dépareillés, les textures usées, les arrangements précaires, c’est toute une mémoire silencieuse qui affleure – mémoire d’un présent éphémère, mais aussi d’une manière d’habiter la Terre, de la traverser sans fracas.
Partout, les figures féminines affleurent : visages graves ou rieurs, silhouettes complices, gestes quotidiens partagés sur le coin d’une table ou à l’ombre d’une porte entrouverte. Avec elles, la photographe tisse une proximité pudique, une fraternité discrète qui réinvente l’art du portrait. Matière terrestre déploie ainsi un précipité du vivant : un musée fragile de nos usages, de nos survivances, de nos espoirs muets. Chaque photographie semble prolonger une respiration, une attente, une histoire esquissée dans l'usure douce des murs et l’amas des objets.
À rebours des grandes fresques, Françoise Huguier construit un atlas du minuscule, du résistant, de l’essentiel. Une géographie de l’ordinaire, où l’on voyage moins par les paysages que par la matière même de nos vies. Dans l’accumulation d’un évier, le désordre d’une salle commune ou l’éclat d’une étoffe bon marché, elle saisit ce que la Terre porte encore d’humain. Dans le menu détail, dans la poussière des jours, dans la beauté tranquille de ce que nous abandonnons derrière nous, cette série raconte – sans emphase, mais avec une infinie précision – notre présence au monde.
Centre photographique de Rouen
Du 24 mai au 27 septembre 2025
15 Rue de la Chaîne, 76000 Rouen