Exposition Montparnasse et l’École de Paris Histoires d’ateliers à la galerie Hélène Bailly
Galerie Hélène Bailly
Du 13 juin au 6 septembre 2025
Montparnasse : les murs ont la mémoire longue
Il fut un temps où l’on disait « monter à Montparnasse » comme on partait en quête d’un idéal. Le quartier n’était pas encore le décor figé que l’on traverse sans y prêter attention, mais un laboratoire brûlant, un concentré d’utopies et de cafés enfiévrés. Des ateliers fumeux de la Ruche à la Villa Vassilieff, des soupentes de la Cité Falguière aux recoins de la Cité des Artistes, les murs suintaient la peinture fraîche et les rêves inachevés. C’est à cette mémoire d’atelier que la galerie Hélène Bailly rend hommage, dans une exposition qui réveille les fantômes d’une modernité en devenir.
Une bohème d’exilés et de génies
Modigliani, Chagall, Laurencin, Léger, Delaunay… L’École de Paris, ce n’est pas une école à proprement parler, mais un souffle. Celui de dizaines d’artistes venus d’ailleurs — d’Ukraine, d’Italie, de Pologne, d’Arménie — qui firent de Paris, et plus précisément de Montparnasse, le centre de gravité de leur quête. Ils y cherchaient la liberté, le regard neuf, l’altérité comme source. À travers une sélection précieuse d’œuvres, l’exposition capte cet instant suspendu où tout était encore possible. Un nu de Kisling qui hésite entre sagesse et provocation, une gouache de Chagall qui danse entre ciel et piste de cirque, un visage de Laurencin qui s’efface presque dans ses teintes pastel : autant de fragments d’un monde en gestation.
Le souffle d’un atelier devenu mythe
Mais l’exposition ne se contente pas de revisiter les grands noms. Elle les confronte à quatre artistes contemporaines issues de l’incubateur POUSH : Valentina Canseco, Juliette Minchin, Lisa Ouakil et Dune Varela. Quatre femmes, quatre écritures, quatre sensibilités. Loin d’un simple clin d’œil au passé, leur présence tisse un dialogue inattendu entre les ateliers de Montparnasse et ceux d’Aubervilliers. La matière se tord, la cire fond, les pigments vibrent, le marbre se fissure. Chez Canseco, une chimère de verre et de métal s’élève dans un éclat presque sacré. Chez Minchin, la cire devient peau, chair vive, mémoire fluide. Lisa Ouakil peint des paysages- sensations, des corps-mondes dans lesquels le regard se perd. Quant à Dune Varela, elle imprime ses images sur du marbre, transformant la photographie en vestige archéologique.
Un siècle de création en miroir
Entre ces deux générations, le miroir fonctionne à double sens. Il reflète les filiations, mais aussi les ruptures. Là où les artistes du XXe siècle cherchaient l’universalité dans la figure humaine, ceux d’aujourd’hui interrogent les matières, les mémoires, les identités plurielles. Pourtant, une même obsession traverse les œuvres : celle de l’atelier comme sanctuaire. Un lieu de solitude féconde, de métamorphose, de réinvention. Qu’il soit en bois vermoulu rue Campagne-Première ou en béton brut à Aubervilliers, l’atelier reste ce territoire fragile où l’on tente, chaque jour, de réconcilier le monde et sa propre voix.
Du Faubourg Saint-Honoré à la Ruche
Et si cette exposition prend place dans le très chic 71 rue du Faubourg Saint-Honoré, elle n’en perd rien de l’intensité de son propos. Loin du clinquant ou du passéisme, elle restitue à l’École de Paris sa complexité : un entrelacs d’exils, de fulgurances et de fraternités. Elle rappelle aussi que le cœur de l’art bat souvent dans l’ombre d’un atelier, dans l’écho d’un geste, dans la poussière d’une matière. C’est là que les histoires s’écrivent. C’est là que, peut-être, se joue encore l’avenir de la création.
GALERIE HÉLÈNE BAILLY
Du 13 juin au 6 septembre 2025
71 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 – M° Miromesnil (9, 13)
Du lundi au samedi 10h -19h - Entrée libre