Notre critique de Macbeth, la tragédie incontournable de Shakespeare au théâtre de l'Essaïon

 

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"Macbeth est intemporel". Telle est la certitude qui nous vient à l'esprit lorsque l'on quitte la salle Cabaret du théâtre de l'Essaïon après y avoir vu Philippe Nicaud, seul sur scène, réinventer le drame shakespearien dans une performance de près d'une heure et demie que l'on n'est pas près d'oublier.

Si l'intrigue et le phrasé inouïs du Barde d'Avon sont universels, les sentiments et états d'âmes des humains qui y sont représentés le sont encore davantage. Nous avons tous déjà été parcourus par ces vicieux sentiments que sont l'envie, l'orgueil et la vanité. Ils sont une constante de l'histoire humaine qui, loin d'appartenir au passé, sont au contraire ce qui ne passe pas, et qui revient constamment sous différentes formes. Ainsi, au moment où la tentation dévore Lady Macbeth, il est facile de la représenter sous une esthétique qui nous rappelle Lady Marmelade. Alors que le crime du général écossais est commis, le tintamarre strident des enceintes modernes remplace aisément les cloches des châteaux médiévaux. Quand Macbeth cède à l'ivresse, il nous évoque finalement le pilier de bar moderne tandis que lorsqu'il cède à la folie cette fois, l'arrangement horrifique du comédien, propre à notre époque, semble taillé pour l'occasion.
Et puis, alors que l'on est définitivement absorbé par la réalité un peu loufoque de la pièce, on réalise qu'elle existe du fait de la créativité de quelqu'un. D'un homme qui, de l'écriture des dialogues à la composition de l'ambiance sonore, est à l'origine de tout. C'est ce même homme que l'on est en train de voir interpréter tous les personnages, les uns après les autres, dans une bluffante justesse qui laisserait presque croire qu'il est réellement habité par les âmes qu'il incarne. Deux éléments qui ont retenu notre attention nous font d'ailleurs dire que cet univers est parfaitement maîtrisé.

Le premier concerne les personnages des trois sorcières. Alors que chacun des personnages humains sont d’une étonnante modernité, ces dernières sont parfaitement fidèles à leur ambiance passée. Avec son seul tissu noir qu’il met sur sa tête, Philippe Nicaud nous laisse voir au travers de son jeu les dents cassées de la première, le physique long et peu véloce de la seconde et les pustules sur le visage de la dernière. Loin de l’aristocratie bien rangée et parfois fantasmée, c’est l’Écosse médiévale, la vraie, la folklorique et populaire qui s’offre à nos yeux.
Le second, plus concret, concerne l’utilisation de l’espace. Avec des conditions minimalistes, le comédien a constitué toute une réalité rendue palpable par une parfaite utilisation du son, des lumières et du rythme. Alors une serpillière devient une tête tachée de sang, une passoire un casque de guerrier et un petit chapeau festif trouvé dans un bazar l’accessoire de convives d’une ambiance de fête médiévale où trône de la musique électronique. Et on y croit !

En dire plus ne servirait pas à grand-chose. On ne peut que vous recommander chaudement d’aller voir ce Macbeth. Ceux qui ne connaissent pas la pièce la découvriront dans une version moderne qui transmet brillamment son message. Ceux qui la connaissent se laisseront surprendre par une version qu’ils étaient loin d’avoir imaginé. En définitive, tout le monde y trouvera son compte et ressortira en ayant passé un bon moment, et ce, quelque soit son accoutumance avec le théâtre…

THÉÂTRE DE L'ESSAÏON
Du 18 mai au 24 juin 2023
6 rue Pierre au Lard, 75004
Du jeu. au sam. à 19h15

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