Exposition Les yeux dans les yeux présentée à l'Exporama de Rennes
COUVENT DES JACOBINS / Musée des Beaux-Arts de Rennes
Du 14 juin au 14 septembre 2025
À Rennes, deux expositions exceptionnelles remettent le portrait au centre de l’art
Ils nous regardent. De loin, de près. D’un œil flou ou fixe. Parfois masqués, d’autres fois intimes jusqu’à l’étrangeté. À Rennes cet été, Exporama donne des visages à l’art contemporain, dans un double événement d’une rare intensité. D’un côté, le Couvent des Jacobins accueille Les yeux dans les yeux, une traversée saisissante de la Collection Pinault entièrement consacrée au portrait. De l’autre, le Musée des beaux-arts ouvre grand ses murs à Claire Tabouret. Entre la mémoire et l’oubli, première grande exposition muséale en France pour cette artiste à la carrière déjà internationale. Deux expositions qui se répondent, dialoguent et se regardent — elles aussi — les yeux dans les yeux.
Des visages pour dire l’époque
On dit souvent que l’art contemporain se détourne du visage, ou que la photographie de mode l’a dépossédé. Les yeux dans les yeux prouve exactement l’inverse. Près de 90 œuvres majeures issues de la Collection Pinault – dont de nombreuses jamais montrées – interrogent notre rapport au portrait, à l’image de soi, à la mémoire, au regard, à l’absence. On y croise Cindy Sherman grimée jusqu’au grotesque, Annie Leibovitz détournant Brad Pitt en Olympia, les visages spectrales de Miriam Cahn ou les regards noirs de Yan Pei-Ming. On y ressent la douleur, la solitude, la rage, la tendresse, la perte. Autant d’émotions captées, déjouées, parfois suspendues dans un face-à-face inconfortable.
Ici, les portraits ne cherchent pas à séduire — ils résistent. Certains refusent même de nous regarder. Ils se dérobent, se masquent, nous confrontent à notre propre désir d’accroche. Il y a du trouble, de la fuite, du flou. Mais aussi des ancrages puissants : visages aimés, témoins de l’histoire, autoportraits de survie. Le parcours est pensé comme un jeu de tensions : entre disparition et apparition, entre le vrai et le fabriqué, entre la mémoire et l’oubli.
Claire Tabouret, peintre des absences habitées
Au Musée des beaux-arts de Rennes, Claire Tabouret creuse ce même sillon avec une sensibilité bouleversante. Son exposition, qui rassemble plus de 60 œuvres et une diversité impressionnante de techniques, aborde le portrait par toutes ses arêtes : enfants masqués, femmes aux maquillages guerriers, figures solitaires et autoportraits intimes. Ses personnages ne sont jamais identifiés. Ils surgissent dans des postures de veille, de repli, de tension. Toujours, quelque chose affleure : un souvenir, un deuil, un mystère.
Le point d’orgue de l’exposition est sans doute la présentation pour la première fois en France de sa série réalisée pour la Biennale de Venise 2024, inspirée des archives photographiques d’enfants détenus dans des prisons de femmes — une œuvre de mémoire, pudique et poignante.
Mais Tabouret ne s’enferme pas dans le pathos : ses toiles vibrent, résistent. Qu’il s’agisse des Makeups, ces portraits de femmes recouvertes de couleurs comme des guerrières modernes, ou des Chercheurs d’or, figures esseulées d’un exil intérieur, l’artiste construit un langage visuel d’une grande intensité. Le visage n’est plus seulement un miroir de l’âme : il devient terrain d’émotions, surface de projection, peau poreuse entre soi et le monde.
Couvent des Jacobins et Musée des Beaux-Arts de Rennes
Du 14 juin au 14 septembre 2025
20 place Sainte-Anne, Rennes