A la loupe - Le Caravage, Le joueur de luth

 

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Le Caravage, Le Joueur de Luth, 1595-1596





COUP DE POING RÉALISTE

Si ses personnages ressemblent à de doux agneaux, ne vous y méprenez pas : Michelangelo Merisi dit Le Caravage était un perpétuel ... agitateur ! Et cette brutalité va rapidement asseoir certaines techniques du peintre italien, qui deviendront non seulement ses marques de fabrique mais aussi les grands principes du réalisme. Le Joueur de luth, peint entre 1595 et 1596, donc relativement une œuvre de jeunesse, réunit déjà ces tactiques esthétiques. Si le sujet est un jeune homme du peuple, modestement vêtu mais sensuellement élégant, la scène est authentique : le musicien pousse la chansonnette en regardant le spectateur et se matérialise au point de sortir du cadre. On pourrait presque toucher le manche de son instrument. Comment la densité et la facture du bois poli est-elle rendue aussi délicate ? Le maître utilise ses atouts : l'éclairage latéral qu'il maîtrise parfaitement crée de tels contrastes que les volumes prennent toutes leurs dimensions. Les détails se révèlent alors jusque dans les fruits, les fleurs et la partition. Encore une fois excessif, Le Caravage ne lésine sur aucune note. On raconte que le sujet jouerait un madrigal - une musique galante - du flamand Jacquet de Berchem, composé environ un demi-siècle plus tôt. Les croches seraient même assez visibles pour jouer à notre tour cette suave mélodie ...

SEXE, PEINTURE ET ROCK'N'ROLL

Mais avant la musique, le peintre au caractère bien trempé tenait à représenter dans sa peinture de "vraies gens", le petit peuple, les courtisanes et les ivrognes, pour acquérir encore plus de réalisme. Et pour cela, il fallait les côtoyer ! Peu importe sa réputation, dans sa vie personnelle comme dans son œuvre, le peintre de la toute fin du XVIème siècle ne fait pas les choses à moitié. Il croque même la vie à pleines dents, quitte à s'en mordre les doigts. Vandalisme, meurtre, adepte du sang et de la chair et même condamné à l'exil : ce débauché aime les excès et en mourra prématurément à l'âge de 37 ans. Encore aujourd'hui, le maître lombard continue de faire des vagues. Le Caravage avait en effet pour habitude de produire ses toiles en plusieurs exemplaires. Il existe ainsi deux autres versions du Joueur de luth, l'une dans la collection Wildenstein et l'autre à la Badminton House du Gloucestershire dont l'attribution est toutefois contestée et fait scandale dans le monde de l'art. Bel héritage de ce bad boy dont le tempérament a pourtant transcendé sa technique picturale et son talent.

Pour retrouver notre article sur l'exposition "Le Caravage à Rome" au Musée Jacquemart-André c'est ici.


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